Pionnier de la psychiatrie au Japon, le professeur Yamamoto s’apprête à prendre sa retraite à l’âge de 82 ans. A l’approche du départ, il sent ses patients de plus en plus déboussolés, alors qu’il ne sait pas lui-même comment affronter ce bouleversement.
« Ne dites jamais à un médecin votre état de santé, car il pourrait vous asservir… » Cette géniale petite phrase du film La moindre des Choses de Nicolas Philibert en 1997 semble tout à fait d’actualité un quart de siècle plus tard. C’est du moins ce que dit un patient de Yamamoto lorsque ce dernier cherche à lui présenter un confrère censé lui succéder. Ce remplaçant ne va-t-il pas le faire interner plutôt que de l’écouter ? Une crainte qu’il n’a jamais ressentie avec Yamamoto, résultat d’une carrière basée sur le respect et la confiance mutuels.
Professeur Yamamoto part à la retraite est une pépite très remarquée dans les plus grands festivals. Kazuhiro Soda y est fidèle aux stricts préceptes de son « cinéma d’observation » ( ni commentaires, ni musique, des plans longs ) et fait preuve d’un sens du montage aigu .
Il filme ses personnages avec affection, mêlant l’intime au public, abolissant les frontières avec une grande liberté de ton.
Le cinéaste est fabuleusement impliqué dans cette aventure, ne dissimule pas sa présence, accepte à l’occasion une lichette de saké… Après tout, chacun apprend à transmettre et à accueillir les petits gestes qui font notre humanité. Cette immersion muette aux côtés du médecin octogénaire dévoile également un mari à la silhouette voûtée, absorbant avec une douceur patiente les « absences » d’une épouse à la santé fragile et qui a aussi ardemment travaillé à ses côtés, tout en restant dans l’ombre.

Ouvrant une porte inédite sur le Japon et ses laissés-pour- compte, le film Professeur Yamamoto part à la retraite déborde d’amour. Prendre soin des vivants, voilà le moteur d’un étonnant personnage, dont l’altruisme et l’abnégation souriante confèrent à ce beau portrait une portée universelle. Pourtant Kazuhiro Soda, sous une enveloppe émouvante et tendre, nous livre un témoignage glaçant sur un Japon vieillissant.

A voir d’urgence.

Sources : Télérama et Le Monde 4 janvier 2023.