S’inspirant d’un roman de la journaliste Petra Prochazkova, mais sans jamais avoir mis les pieds en Afghanistan, la réalisatrice Michaela Pavlatova a peut-être choisi la meilleure façon de poser un regard nouveau sur ce pays, en faisant de son héroïne une étudiante européenne qui a librement décidé d’aller vivre dans cette contrée déchirée depuis plusieurs décennies. Helena tombe amoureuse de Nazir à Prague. En l’épousant et avec l’espoir de fonder une famille nombreuse, c’est tout naturellement qu’elle va le suivre jusqu’à Kaboul, un retour tout aussi naturel pour lui, peu après le départ des talibans en 2001. Sans occulter les récurrentes bourrasques politico-militaires qui agitent le pays, le film va s’attacher à l’intégration d’Helena, devenue Herra, dans la vie afghane, et particulièrement dans l’intimité de sa nouvelle famille. Toute la complexité et les contradictions d’une société différente sont habilement mises en valeur à travers la personnalité de chaque membre de la famille, mais aussi les valeurs universelles qui vont aider Helena à trouver sa place.

Mais le film n’est pas seulement une belle fresque familiale que les vertus de l’animation subliment. C’est aussi la trajectoire paradoxale d’une femme émancipée et libre qui, par amour, va apprendre à être docile et effacée dans un monde dominé à l’excès par les hommes, mais sans se sentir victime, sans se perdre elle-même. A travers elle, il faut voir le bel hommage rendu aux femmes afghanes, à leur résilience et leur courage. Ma famille afghane nous livre un message universel : la réalité est compliquée pour tous. La culture, l’éducation, la religion, la situation politique, sont des bagages que chacun ordonne comme il peut dans la valise de la vie.

En évitant toute émotion facile mais avec une grande sensibilité, cette belle histoire invite à mieux nous regarder pour mieux nous comprendre.
Comble du paradoxe, ce film nous est offert quelques mois seulement après le retour aux commandes des talibans…

Dans notre langue, on traduit « Flee » par « fuir » ou « se réfugier », deux mots le plus souvent complémentaires et qui définissent parfaitement ce documentaire-animation, construction originale qui lui a valu une triple nomination aux Oscars.

Sur le mode de la série En thérapie, le réalisateur Jonas Poher Rasmussen nous conte l’itinéraire cabossé d’Amin, qui a dû fuir enfant son Afghanistan natal avec toute sa famille, lors de la prise du pouvoir par les talibans. Après plusieurs étapes semées d’embûches, il a trouvé refuge au Danemark où il a pu faire ses études et devenir aujourd’hui un universitaire reconnu. Mais le témoignage d’Amin ne se limite pas à son parcours de réfugié ; son amitié avec le réalisateur va le conduire progressivement à des révélations de plus en plus intérieures…

Comment trouver sa place dans le monde ? Que faire de son identité et de ses racines ? Peut-on être soi-même ? L’exil est-il un état définitif ? Voilà ce qu’est Flee, ces questions en quête de réponses, entre la perte et la reconstruction. Et l’homosexualité d’Amin, révélée tardivement à son ami mais présente depuis l’enfance, n’a bien sûr pas facilité son parcours du combattant. La grande originalité du film réside dans sa construction graphique. Si le fil du récit est mené par une animation traditionnelle, les souvenirs traumatisants sont monochromes, images instables dessinées à la main et traduisant l’intensité émotionnelle. Enfin, quelques images d’archives viennent rappeler de façon séquentielle que nous sommes dans une histoire vraie avec ses résonances sinistres et que la dimension politique n’est pas oubliée.

Flee réalise un bel équilibre entre le témoignage introspectif et le récit historique, donnant au documentaire animé une sensibilité toute particulière qui n’est pas sans rappeler Valse avec Bachir d’Ari Folman.