Dédale : « lieu où l’on risque de s’égarer à cause de la complication des détours », le Petit ROBERT nous résume parfaitement ce film singulier où le suspense se balance comme une pomme sur sa branche sans jamais rien dire de sa chute.

Nous sommes en Roumanie. Jeune novice, Christina quitte furtivement son couvent pour une consultation à l’hôpital. Dans ce court voyage, elle va se cogner aux facettes rugueuses d’une société restée très conservatrice dans ses coutumes comme dans la religion, jusqu’au drame…

La deuxième partie du film nous fait suivre le chemin de Marius, inspecteur chargé de l’enquête, méticuleux et obsédé par le désir de justice, mais dont les convictions et la détermination vont parfois s’embourber dans l’histoire énigmatique de la jeune novice et sa propre vie.

La prouesse du réalisateur réside ici dans la dimension architecturale et cinématographique : rien n’est expliqué, mais tout est dit ou évoqué, laissant au spectateur la latitude de reconstituer le puzzle comme il l’entend. Alternant les plans- séquences et des images évocatrices volontiers inscrites dans les reflets de l’eau, Bogdan George Apetri nous fait naviguer en permanence entre l’évidence et le trouble, nous tenant en haleine en nous faisant un peu acteurs. Il s’attache plus aux méandres internes des personnages qu’aux codes classiques du polar, et c’est ce qui fait toute l’originalité de ce thriller débordant de sensibilité et d’ambiguïté.

Dédales est un jeu de pistes mystérieux dont il faut saisir la lecture à la fois sociologique et mystique de la question du viol et du simple rapport inégal entre homme et femme. Un film bien plus profond qu’il n’y paraît, féministe sans le vouloir, fissurant l’homme sans le condamner… terriblement actuel !

Sources : Le bleu du miroir, abus de ciné, écran large

Adilkhan Yerzhanov, le prolifique réalisateur de La tendre indifférence du monde (2018) et A dark dark man (2019), nous revient avec un thriller à déjanter les zygomatiques, car on rit beaucoup, et de toutes les couleurs !

Un gang masqué s’infiltre dans une école perdue d’une ville perdue du Kazakhstan et ne fait feu qu’une fois…on ne saura jamais pourquoi ! L’effet bien sûr est immédiat, tout le monde s’enfuit, excepté les enfants d’une classe que le professeur a enfermés avant de détaler, le temps nous dira peut-être un jour pourquoi…

Les adultes se retrouvent à la lisière de l’école, pétrifiés et embarrassés. Apprenant que l’armée ne pourra venir les aider que deux jours plus tard, ils décident de réagir pour libérer les enfants, mais ce sont ici de pleutres sociétaires du monde de Guignol qui vont faire du compte à rebours une cascade d’événements tragi-comiques…

Comme les grands cinéastes du genre, Yerzhanov puise dans l’absurde toute l’alchimie pour mettre humour et drame dans le même verre et réaliser un cocktail détonant : chaque protagoniste est un bras cassé, attachant autant qu’affligeant, avec au front une marque de l’incohérence humaine. Au final, ce n’est pas tant nous divertir que cherche le réalisateur, mais nous alerter sur un monde de plus en plus vide de sens.

On peut trouver dans le film des références à la tragédie grecque, et ce n’est sans doute pas un hasard, il y a bien un goût d’Odyssée. La très belle image est là pour donner encore plus d’ampleur, magnifiée par le blanc de la neige.

Si les décors de ses films sont souvent des endroits incertains, Yerzhanov vise toujours juste dans ses propos. Et, pour ne pas nous endormir, il nous laisse avec Assault une question :

Qui sont les proies et qui sont les prédateurs ?

Sources : Eastasia .fr, le Polyester