Quand le premier film de Blerta Basholli a été présenté à Pristina, la capitale du Kosovo, il a déclenché des scènes d’émotion collective jamais vues depuis la fin de la guerre. Et pourtant, Blerta Basholli réveillait des mauvais souvenirs puisqu’elle convoquait les fantômes de la guerre du Kosovo (1998-1999) durant laquelle beaucoup d’Albanais ont disparu suite aux massacres ethniques et aux déplacements de population.
Au centre de La Ruche qui se déroule deux décennies plus tard, le destin d’une femme albanaise, inspiré de la vie de Fahrije Hoti, se déploie comme si nous assistions à un documentaire. Sans nouvelles de son mari, celle qui ne tire que de modestes revenus de son activité d’apicultrice décide, avec d’autres femmes, de lancer sa petite entreprise en préparant une recette régionale, l’ajvar, à base de poivrons rouges. Dans son village, les habitants se mettent alors à jaser et à la critiquer, conditionnés par un environnement ultra traditionnel et patriarcal qui perdure depuis des siècles.
La réalisatrice donne à cette tranche de vie la forme d’un récit galvanisant sur la force, la persévérance et l’ingéniosité des femmes, mais son film est plus complexe et sombre que tous les titres grand public décrivant une réussite face à l’adversité. Le Kosovo rural dans la chaleur brûlante de l’été est poussiéreux et décrépi ; les hommes ont des visages de pierre, ils sont durs et profondément  misogynes et le pays est en piteux état. C’est seulement sous la douche que notre héroïne parvient à profiter de quelques rares moments de solitude, des scènes filmées avec beaucoup de goût,  souvent chargées d’émotion, qui offrent au spectateur aussi un peu de répit, à l’abri des extérieurs éblouissants et du voisinage bruyant et nerveux.
Bien servie par ses acteurs, notamment par la formidable Yllka Gashi et par le travail du chef-opérateur berlinois, Alex Bloom, Blerta Basholli traite cette histoire de résilience et de solidarité dans un style impeccable et avec une dignité de tous les instants sans jamais céder aux sirènes du mélodrame. Dès lors, on comprend aisément le choix du festival de Sundance qui lui a décerné ses trois principales récompenses en 2021.

Sources : Senscritique.com, cineman.ch, Cineuropa.org