Dans la famille Jourablou, les dettes s’accumulent, les quatre fils sont au chômage et vivent sur la maigre pension de retraite de leur père. La maison familiale tombe en ruine et leur vaut le mépris des autres membres du clan. Seule la fille, Leila, a un emploi stable. Dévouée à sa famille, elle imagine un moyen de remonter la pente : l’achat d’une boutique dans le centre commercial ultramoderne où elle travaille. L’idée est prometteuse mais tout ne va pas se passer comme prévu.
Pour son troisième long métrage, Saeed Roustayi nous immerge dans le huis clos d’une cellule familiale aux relations complexes. Il prend le temps de suivre ses personnages qui se déchirent et se soutiennent au fil des désillusions. S’ils s’attachent à chacun d’eux, il donne la part belle à Leila ; magistralement interprétée par l’actrice Taraneh Alidoosti. Personnage emblématique, qui se détache dès le titre, elle représente une voix de la raison que son statut rend trop souvent inaudible. Dans cette saga familiale qui joue de la fatalité, on retrouve la marque des grandes fresques de cinéma.
Avec Leila et ses frères, Saeed Roustayi s’éloigne de son précédent long métrage, le très remarqué La Loi de Téhéran. Le film de genre se fait plus intime. Cependant, on retrouve ici encore la volonté du réalisateur de dresser en filigrane le portrait d’une société tout entière. Il révèle ainsi un état de son pays soumis au radicalisme des traditions et de la morale religieuse, au patriarcat et à la manipulation du marché américain. À travers les péripéties de cette fratrie, Saeed Roustayi évoque les difficultés matérielles de tout un peuple condamné à la précarité, renonçant aux études et au mariage faute de moyens, incapable d’envisager un avenir meilleur. Le film décrit subtilement une société iranienne à bout de souffle sur le plan politique et économique, minée par des décennies de sanctions économiques internationales et une inflation galopante.
Leila et ses frères invite les Iraniens à se souvenir que le progrès, avant d’être économique, trouve ses racines dans la liberté et l’éducation.  Quant au film, il invite ses spectateurs à une aventure familiale et sociale intime et politique, qui oscille sans cesse entre le particulier et l’universel.

Sources : Libération – La croix – www.avoir-alire.com – 23 août 2022