Le film s’ouvre comme un conte initiatique, et l’on s’attend à voir un génie jaillir du filet de pêche que remonte le jeune Adam avec son père. Mais c’est dans un univers moins idyllique que nous emmène Tarik Saleh, dans les eaux troubles des interférences politico-religieuses en Egypte…
Malgré ses origines modestes, Adam se voit offrir une bourse pour étudier à la prestigieuse université Al-Azhar, l’équivalent du Vatican pour l’Islam sunnite. Mais, le jour de son arrivée, meurt le Grand Imam et commence le jeu des chaises musicales pour désigner son successeur. Dans ce tourbillon, la candeur du novice est vite repérée et convoitée, autant par le pouvoir politique que par le pouvoir religieux, pour devenir à son insu une taupe…
Cinq ans après Le Caire confidentiel, Tarik Saleh poursuit son implacable inventaire de la corruption, mais ici au plus haut niveau des pouvoirs. Avec puissance et précision dans la narration comme dans le scénario, il tisse une intrigue à tiroirs où chaque personnage croisé par Adam n’est jamais celui qu’il
prétend être et rend plus impitoyable encore le piège dans
lequel il est tombé. Sans renier l’influence de John Le Carré, le
réalisateur puise dans l’intensité du thriller pour marquer
l’étendue de sa réflexion, à la fois philosophique et théologique.
On peut penser au Nom de la Rose et à Habemus Papam, mais le film est tout autre et n’est en rien une critique de l’Islam. C’est un pamphlet politique qui nous montre avec force que la corruption est un outil essentiel pour tout pouvoir qui veut persister, et la religion n’est pas épargnée…
Déjà sommé de quitter le pays juste avant le tournage de son précédent film, Tarik Saleh n’est sans doute pas près de revoir l’Egypte avec ce nouvel opus, et son œuvre n’en est que plus courageuse.
Avec une telle qualité d’image et des acteurs irréprochables, il aurait peut-être mérité une palme d’or…

Sources : dossier de presse, le mag du ciné 25/09/2022, Utopia Toulouse octobre 2022