Interprété par un remarquable Benoît Magimel, De Roller est le Haut-Commissaire de la République en Polynésie Française. Distingué et raffiné, passant la majeure partie de son temps à sillonner son île, connaissant tous les autochtones, il est présent aux fêtes traditionnelles, aux réunions diverses, toujours drapé dans son costume blanc. Il se promène de groupe en groupe avec un mot gentil pour chacun. Volubile, tactile, chaleureux, il fraternise avec tout le monde : ses opposants, les sportifs, les invités de marque, les artistes. Ses discours paraissent tour à tour sincères ou d’un clientélisme écoeurant, tantôt inspirés, tantôt d’une bêtise abyssale. Il représente à la fois un spécimen unique et tous les hommes politiques de ce monde.

Une vie en apparence facile que beaucoup de gens apprécieraient.
Mais cette plénitude va peu à peu se transformer en inquiétude, car Albert Serra distille par petites touches la rumeur d’une menace troublante : la reprise des essais nucléaires dans la région. Cette menace devient l’obsession du Haut- Commissaire. Craignant d’être trahi et instrumentalisé par le gouvernement français, il sombre petit à petit dans la paranoïa, alors qu’un mystérieux sous-marin et son équipage stationnent dans les parages.

Nous l’aurons compris, Albert Serra nous propose une fable sur notre société mais sans culpabilisation. Fresque hallucinée de notre monde contemporain, Pacifiction est un film qui traite de la néo-colonisation et des troubles subis par les populations. Il fait fi du réalisme pour s’égarer somptueusement dans ce luxe qui s’effondre.

Par la beauté de la photographie d’Artur Tort nous rappelle, d’une manière superbe, que le crépuscule peut être grandiose.

«Albert Serra filme ici un fascinant calme avant la tempête. Véritable conte kafkaïen moderne, devinant instinctivement les tourments qui planent sur notre époque et leurs probables causes, Pacifiction – Tourment sur les îles est plus redoutable qu’il n’y paraît.