A la fin des années 1990, Sophie, 11 ans, passe ses vacances dans un club de la côte turque avec son père, Calum. Ils sont complices et participent aux activités attendues durant ce genre de séjour. Si le père braque souvent son caméscope sur sa fille, il est moins volontaire quand il s’agit de l’inverse. Pourtant Sophie voit là un moyen de sonder le mystère d’un père qu’elle peine à cerner. Des années plus tard, ces instants filmés deviennent un morceau de la mémoire de la fillette devenue adulte, des moments comme suspendus.
Pour son premier long métrage, Charlotte Wells, jeune réalisatrice britannique de trente-cinq ans, délaisse la narration classique pour un feuilleté temporel qui n’aborde étonnamment que des moments ordinaires du couple formé par le père et la fille. En effet, ce n’est pas la captation de souvenirs marquants que traque ici la cinéaste mais la perception sensorielle et intime, la subjectivité qui prend le dessus sur le réel.
Le parti pris de nous montrer cette histoire de vacances uniquement du point de vue d’une enfant permet au spectateur de percevoir, par petites touches, ce qu’observe Sophie, ce qui échappe souvent à sa compréhension. Les souvenirs de la jeune fille se révèlent en effet imprécis et partiels. Comme elle, le spectateur perçoit les fêlures, l’inquiétude et la mélancolie mais aussi le fil invisible et pourtant fort qui unit l’enfant à son père.
Avec Aftersun, Charlotte Wells ne met pas seulement en image une collection de souvenirs, elle interroge une mémoire qui ranime à volonté ce que Sophie, devenue adulte, souhaite retenir. Elle prend ainsi le temps d’étirer certaines séquences pour laisser infuser doucement les sentiments qui s’y déploient, retrouver les précieux moments partagés.
Dans ce film faussement paisible, l’émotion se diffuse durablement et offre un portrait touchant et sensible d’un père et sa fille à jamais complices grâce à la pellicule.

Sources : lesinrocks.com 30 /01/2023 – libération.fr et avoiralire.fr 31/01/2023