L’histoire d’Olfa Hamrouni et de ses filles a été très médiatisée en Tunisie et dans le monde arabe. En Europe peu connaissent cependant le destin tragique de cette famille meurtrie par la disparition des deux aînées.
Pour son sixième long métrage, Kaouther Ben Hania s’est intéressée à cette histoire, en choisissant non pas de nous raconter les faits mais en tentant de les faire revivre.
Comme dans ses films précédents, son premier long métrage Le Challat de Tunis (2014) et La Belle et la Meute (2017), elle mêle fiction et documentaire en utilisant cette fois-ci un dispositif aussi original que passionnant.
Le film se présente d’abord comme un travail préparatoire et documentaire qui prend appui sur les interviews et reconstitutions d’Olfa, la mère, et de ses deux filles cadettes. Mais il prend vite une tournure plus fictionnelle quand les protagonistes du drame sont confrontées à des acteurs professionnels avec qui elles interagissent. La star tunisienne Hend Sabri se présente comme la doublure d’Olfa, deux jeunes comédiennes incarnent les sœurs disparues et l’acteur Majd Mastoura interprète à lui seul tous les hommes qui ont côtoyé les protagonistes. Face à ces acteurs, Olfa et ses filles réagissent en miroir nous aidant à décrypter une réalité complexe au-delà du drame intime.
Le dispositif mis en place dans Les filles d’Olfa interroge bien sûr l’ambiguïté entre réalité et fiction, le travail de l’acteur à travers la distance que celui-ci se doit de garder pour ne pas se laisser submerger par le réel. Un bel éloge du pouvoir cathartique du cinéma
Mais Les filles d’Olfa est surtout une réflexion bouleversante sur les relations mère-fille, le constat d’échec d’une société tunisienne patriarcale qui réprime toute forme de liberté et qui sacrifie ses enfants à force d’aveuglement.

Sources : www.bande-a-part.fr du 3/07/2023 – www.lesinrocks.com du 20/05/2023