Le film commence par le bruit caractéristique d’une voiture d’enfant à pédale qui apparaît peu à peu dans le cadre, et dans laquelle on découvre une jeune adolescente… La caméra, accompagnée d’une musique douce, se centre sur la jeune Ademoka, ses longs cheveux rouges, et son regard aussi pétillant que pétri d’une immense mélancolie. Elle prend alors à témoin le spectateur pour lui confier son désir d’instruction.
Opération difficile au Kazakstan où, sans-papiers, elle vit dans un cimetière d’avions à ciel ouvert, et n’a pour bagage qu’un don pour le dessin. Son appartenance à la grande famille des gitans provoque rejet et ostracisme et l’on perçoit vite, dans le destin qui l’attend, l’inexorable répétition du retour à la frontière.
Plus que persévérante, Ademoka finit par obtenir l’appui d’un enseignant original, Akhav, lui-même en rupture de ban et rejeté par l’institution en raison de son goût immodéré pour l’alcool. Percevant l’intelligence et la sensibilité de la jeune fille, cet ex-professeur de philosophie la prend sous son aile, et lui promet une « éducation » qui lui permettra d’atteindre ses rêves. Or, l’éducation en question consiste en une conversation enrichie de citations réjouissantes, souvent empruntées à de grands auteurs, tels Tchekhov, Ronsard, Cervantès : « Le muscle le plus important dans le corps humain, c’est l’imagination ! ».Un précepte que le réalisateur semble avoir à cœur de suivre à la lettre, multipliant à l’envi les situations décalées où les cours, les conversations familiales, les examens se déroulent à ciel ouvert…
Yerzhanov poursuit sa critique de la société kazakh, ici la critique du système éducatif, et s’interroge sur l’avenir laissé aux jeunes générations par des autorités gangrénées et corrompues. Sa mise en scène fantaisiste s’incarne dans des choix de décors et de costumes d’une franche inventivité et il sait filmer plus que tout autre la beauté dépouillée des grands espaces de son pays. On retrouve tous les éléments caractéristiques d’un style désormais reconnaissable : épuré, minimaliste, à l’humour décalé et aux personnages loufoques. Peu à peu, on est amenés, ainsi que les deux protagonistes, sur le terrain de ces livres chargés de leçons de vie qui permettent de défier la laideur du monde et ouvrent vers l’émancipation culturelle tant rêvée….

Sources : aVoir-aLire.com, lebleudumiroir.fr, Utopia (Gazette), Libération.fr