« L’amour fou est universel et soluble dans le sable », telle est la thèse du film que Ramata -Toulaye Sy a présenté à Cannes cette année, en compétition officielle pour son premier long métrage, un événement en soi déjà. Passée du scénario à la réalisation, elle nous offre un conte tragique d’une superbe beauté graphique au cœur d’un village isolé du monde où le chaos et la passion ne sont pas de mise.
A la mort de son mari (et frère d’Adama), Banel devient l’épouse de son amant de toujours et les deux tourtereaux entendent vivre leur amour absolu comme ils l’entendent, loin des conventions ancestrales. Adama refuse d’être le chef du village, Banel ne veut vivre que pour et par lui, ils veulent faire leur nid en dehors du village…Mais la survenue de mauvais présages vient perturber leur route, Adama est rappelé à ses devoirs par sa communauté , et Banel voit s’effriter tous ses efforts rebelles, son comportement devient de plus en plus étrange, les vertiges de l’amour s’effacent…
C’est un conte intemporel qu’on pense nourri de la mémoire des griots, mais c’est plutôt dans la mythologie grecque que Ramata Toulaye Sy a trouvé son inspiration. Après Sénèque et Corneille, elle ressuscite le mythe de Médée dans la savane d’une Afrique asséchée. Au-delà d’un amour fusionnel qui se heurte à l’intransigeance des traditions villageoises et familiales, le film met surtout en lumière le personnage de Banel, libre et indomptable, qui va refuser jusqu’au bout le destin de femme soumise qu’on lui assigne. Mais son chemin narcissique va la conduire peu à peu vers la folie, détruisant le château de sable tant convoité et l’illusion d’un monde meilleur.
Le sujet aurait mérité peut-être un peu plus d’épaisseur, mais telle n’était pas la démarche de la réalisatrice qui voulait avant tout écrire « la plus belle histoire d’amour africaine qui soit », avec un parfum féministe qu’on ne saurait dénigrer. Et la poésie, la fulgurance des images, la prestation très juste d’acteurs non professionnels, tout nous ramène à l’essentiel du film : c’est un conte !

Sources : Première septembre 2023, Le Bleu du Miroir, Le Monde 30 08 23.