Cinéaste engagée depuis 40 ans, Agnieska Holland (Europa Europa 1990, L’ombre de Staline 2019 ) revient avec un brûlot accablant sur la gestion politique des réfugiés aux portes de l’Europe et qui a marqué la dernière Mostra de Venise. Sans concessions, elle nous ouvre les yeux sur les aspects barbares de la crise migratoire qui agite et divise la vieille Europe, faisant ressurgir les relents d’un racisme sélectif jamais éteint.
Fin 2021. Avec la bénédiction de Moscou, le dictateur du Bélarus ouvre une nouvelle route migratoire, accueillant les réfugiés du Moyen Orient juste le temps de les faire passer clandestinement en Pologne, à des fins de déstabilisation … La caméra suit une famille syrienne et une femme afghane qui vont connaître l’enfer, rejetées de part et d’autre de la frontière dans un sordide match de ping-pong entre soldats polonais et bélarusses jusqu’à l’épuisement. Cette première partie, que le noir et blanc net et précis rend plus glaciale encore, est là pour nous dire qu’on ne peut occulter ce qu’on voudrait volontiers ignorer.
Le deuxième acte met en scène le rôle des ONG humanitaires polonaises qui tentent d’aider les réfugiés en se mettant elles-mêmes en danger dans cette zone frontalière que le pouvoir a transformée en zone de non-droit. La réalisatrice s’attarde sur une psychologue au départ peu concernée et sur un militaire qui pense ne faire que son devoir ; tous deux vont comprendre peu à peu l’absurdité dans laquelle ils sont enfermés. L’espoir n’est guère présent mais l’accent est mis sur l’esprit de résistance qui agit ici comme un pansement timidement réconfortant.
Agnieska Holland questionne ouvertement son pays mais aussi toute la société européenne sur un problème terriblement actuel. En cela, Green Border est d’une nécessité incontournable qui nous pousse à réfléchir sur des valeurs qui nous semblaient acquises. Et le plus noir du sujet est ici hors-champ : avec la guerre en Ukraine, des milliers de réfugiés fuyant leur pays sont accueillis à bras ouverts par la Pologne. Mais, pour les autres, venus de plus loin, rien n’a changé…

Sources : Dossier de presse, Le bleu du miroir 07/12/2023, Cineuropa 07/09/2023