Lecture singulière et troublante d’une société israélienne au coeur de l’actualité depuis 7 mois, Le Déserteur nous conte les folles 24 heures d’un jeune soldat qui fuit son poste dans un Gaza en feu pour retrouver sa belle.
Shlomi a 18 ans, baillonné comme tous ses semblables par les obligations militaires incontournables dans son pays. Sans jamais s’inspirer des arguments de Boris Vian, il va devenir le rebelle et le déserteur d’un jour sous la pulsion d’une fièvre amoureuse. Dans sa cavale, il apprendra que sa disparition est interprétée par Tsahal comme un kidnapping du Hamas et va conduire à de sanglantes représailles contre des Gazaouis innocents. Dès lors, sa fuite pour retrouver ses proches va suivre une spirale périlleuse pour ne pas être reconnu, une course effrénée vers le néant…
Même si le film n’a pas un abord politique frontal, Dani Rosenberg emprunte avec brio à la tragicomédie la manière de nous dire presque tout sur les conséquences traumatiques complexes d’un conflit qui n’en finit pas de durer. Dans les dédales d’une Tel Aviv volontiers vantée pour son ambiance californienne, Shlomi est ainsi un Buster Keaton qui multiplie les situations cauchemardesques autant que rocambolesques où s’entremêlent les sirènes d’alerte et la gouaille insouciante des badauds, théâtre surréaliste qui est pourtant le juste reflet de la réalité.
Au-delà du parcours d’un homme miné par ses élans de jeunesse entre devoir et romantisme, aussi débrouillard que parfois puéril, il faut voir dans ce film le portrait sans concession d’une société fissurée qui oscille entre paranoïa collective et insouciance libertaire, dans laquelle semble ressurgir sans cesse depuis deux millénaires le complexe de Massada.
Tourné avant le 7 octobre, Le Déserteur est une fiction qui s’offre à nous comme un documentaire édifiant et terriblement actuel.
Lucide et courageux, comme sait l’être souvent le cinéma israélien.

Sources : Dossier de presse, Les Cahiers du Cinéma mars 2024.