Román et Morán, deux modestes employés de banque de Buenos Aires, sont piégés par la routine. Morán met en œuvre un projet fou : voler au coffre une somme équivalente à l’argent nécessaire pour le dispenser de travailler le restant de ses jours. Pas de quoi flamber, mais simplement de quoi vivre sans pointer.
Désormais délinquants, leurs destins sont liés. Au gré de leur cavale et des rencontres, chacun à sa manière emprunte une voie nouvelle vers la liberté.
Découvert à Cannes en 2023 dans la sélection Un Certain Regard, Los delincuentes s’affranchit d’emblée du genre « film de casse ». Mettant en scène deux zigotos tout ordinaires mais bien décidés à ne pas s’en laisser compter par la société capitaliste, le film s’aventure soudainement sur des terres sauvages.
Autrement dit, Los delincuentes se désintéresse rapidement de l’argent pour s’attaquer à son vrai sujet, la liberté. Ce principe absolu de liberté, la fiction va en suivre les principes, dans un scénario ample, qui, sur plus de trois heures, déploie l’apprentissage d’une liberté inespérée.
Braquage et vagabondage vont ainsi de pair dans un récit ambitieux et sans cesse revitalisé où le cinéaste pousse le bouchon des hasards et des coïncidences, brouille la chronologie et mise sur les flash-back pour révéler les incroyables chassés-croisés, y compris amoureux, de sa paire d’antihéros. En référence, son modèle littéraire, les romans-mondes de Roberto Bolaño.

Superbement inspirée, la musique de Piazzolla, Poulenc et Saint-Saëns confère au film une teneur romantique qui contraste avec le caractère un peu piteux des antihéros tandis qu’aux images documentaires de la capitale répond la contemplation éblouie, sereine, des grands espaces.
Irrésistible ces derniers temps, le cinéma argentin n’en finit plus d’émerveiller nos écrans de films audacieux, amples, profonds, complexes, remplis de personnages nouveaux et de motifs salutaires.
Osez les chemins de traverse avec ce grand film sur le désir de liberté et les moyens pour y parvenir, un film qui interroge également l’usage du temps et notre rapport au travail.
Los delincuentes peut aussi se lire comme un manifeste subversif au moment où Javier Milei et son obsession comptable sont arrivés au pouvoir en Argentine.

Sources : Télérama et Libération 27/03/2024, Les Cahiers du cinéma, mars 2024 – Positif, avril 2024 – senscritique.fr