Depuis six ans en France, Abou Sangare, jeune Guinéen de 23 ans, vient de se voir refuser sa régularisation. Dans la vraie vie, l’acteur principal du film de Boris Lojkine est mécanicien à Amiens, il a le calme de son alter ego de cinéma, la même résistance à la misère. Il puise sa force dans une résilience pacifique en apparence inaltérable.
Mais l’histoire d’Abou Sangare n’est pas celle de Souleymane, le personnage éponyme de ce long métrage, même si elle lui ressemble pour une grande part. Son interprétation, à fleur de peau, respire la plus pure authenticité.
Le scénario a parfois des allures de documentaire vibrant, resserré dans le temps et dans la précision des situations de précarité. Impossible de ne pas trembler pour Souleymane, clandestin à Paris, livreur qui sillonne les rues de la capitale à vélo, au milieu du chaos de la circulation, parfaitement invisible aux yeux des citoyens en règle. Le danger est présent partout.
L’enjeu pour Souleymane est connu depuis le début : réussir un examen qui pourrait lui permettre d’obtenir le droit d’asile. Le film dresse son portrait avec un haut degré d’humanité sans pour autant faire de son personnage un héros exemplaire.
Boris Lojkine, en réalisant cette fiction du réel portée par un comédien non professionnel mais exceptionnel, nous offre un vrai film de cinéma avec un rythme, des couleurs, une certaine vision de Paris. C’est un film important qui questionne le système d’accueil des migrants en France.
Une œuvre dense, sincère et engagée, qui va droit au cœur.

Sources : avoir-alire, sens critique, juin 2024

Boris Lojkine (Réalisateur, scénariste, directeur de la photographie)
Normalien, auteur d’une thèse sur «Crise et Histoire », professeur de philosophie à l’Université d’AixMarseille2, Boris Lojkine referme les livres et part pour un long séjour au Vietnam qu’il connait déjà. Il se lance alors, durant les années 1990, dans la réalisation de documentaires : Ceux qui restent (2001) puis Les Âmes errantes (2005).
En 2013 il réalise Hope son premier long métrage de fiction qui retrace, avec des acteurs non professionnels, la migration vers l’Europe de Léonard, Camerounais protégeant Hope, la Nigériane. Le film obtient de nombreux prix à Angoulême, Angers… et le Prix SACD de la Semaine de la Critique, Cannes 2014. Il est venu présenter le film à La bobine en février 2015 et le débat avec le réalisateur est resté dans les mémoires.
En 2019, Camille reçoit le Prix du public sur la Piazza Grande à Locarno. En septembre 2019, Boris Lojkine est revenu nous présenter ce 2e film multiprimé, avec le même succès.
Nous sommes très heureux de le recevoir à nouveau pour son 3e film, L’Histoire de Souleymane. Sans aucun doute, la soirée sera de grand intérêt !