Quand le Pays du Bonheur National s’ouvre à la démocratie.

Le Bhoutan, minuscule état d’Asie, situé à l’Est de la chaîne de l’Himalaya, est enclavé entre deux géantes, l’Inde et la Chine, avec lesquelles il partage 605 kilomètres de frontières. Un royaume, devenu une démocratie, dans des paysages d’une beauté bouleversante, avec la fraîcheur d’un pays qui a érigé l’Innocence comme l’une de ses valeurs capitales et préféré mesurer ses avancées à l’aune du BNB (Bonheur National Brut) plutôt qu’à celle de l’assommant PNB (Produit National Brut) occidental.
Nous sommes en 2006, le roi du Bhoutan a décidé d’abdiquer pour permettre à son peuple de choisir démocratiquement de nouveaux dirigeants. Pour la première fois, les Bhoutanais vont voter, mais au pays du Bonheur National Brut, les habitants n’ont que faire des élections, eux qui placent essentiellement leur confiance en leur souverain et en Bouddha. Afin de prendre sereinement la voie de la démocratie, le gouvernement décide d’organiser des élections blanches pour apprendre aux Bhoutanais à voter. Au même moment, le Lama d’un petit village de montagne
s’inquiète et s’interroge sur les progrès galopants annoncés comme une panacée. Il charge son assistant de lui trouver deux fusils, chose malaisée dans un pays pacifique. Ce moine qui chemine fusil à l’épaule attire les convoitises et aiguillonne la curiosité. Nous suivons ces péripéties avec un plaisir de chaque instant, mais en se posant la question essentielle : pourquoi ce besoin d’armes de guerre chez ce Lama local, homme de paix par excellence ?
Pawo Choyning Dorji est un cinéaste et photographe bhoutanais. Né en 1983 à Darjeeling (Inde), il a fréquenté l’école internationale en Inde et l’école secondaire supérieure au Bhoutan. En 2009, il a obtenu une qualification en philosophie bouddhiste du Sara Buddhiste Institute. Son second film est un régal, brillant et sensible de la même veine que son premier film l’Ecole du Bout du Monde. Dans un pays sans grands moyens, c’est un tour de force de réaliser ces films intenses, où la transmission des réalités les plus tangibles prend des allures de fable contemporaine, dépaysante et salutaire.

Sources : Télérama, Le Monde, Utopia, juin 2024