En s’emparant de l’histoire vraie de Nevenka Fernández, qui, au tournant des années 90/2000 gagna le premier procès pour harcèlement sexuel intenté contre un homme politique en Espagne, la réalisatrice Icíar Bollaín livre une anatomie quasi chirurgicale de l’emprise morale et de ses mécanismes insidieux.
Récemment diplômée en économie et droit public, Nevenka Fernández capte le regard de l’homme le plus puissant de Ponferrada, le charismatique et séducteur maire, Ismael Álvarez. Séduite dans un premier temps, elle cède naïvement aux avances de cet homme adulé par tous. Croyant avoir piégé sa proie, Ismaël va vite s’agacer du refus de Nevenka de le suivre aveuglément…Après une brève relation, Nevenka rompt. C’est le début de son enfer : manipulation émotionnelle, rabaissement, agressions sexuelles. Elle finira par porter plainte, après avoir bravé le jugement de ses parents et l’opinion populaire acquise à Ismael, figure politique paternaliste au bras long.
En prenant la décision courageuse de faire traduire en justice un homme très influent, elle a ouvert la voie à un débat sur les violences machistes exercées dans les milieux de pouvoir. Il y a une forme de colère dans le film mais la colère ici n’empêche pas la lucidité ni la subtilité bien au contraire. Le film remet les choses à leur place, rend un hommage formidable à la capacité de résistance de Nevenka, mais n’ignore rien de ses fragilités, ni du contexte politique et social où la parole des femmes ne comptait pas beaucoup face à la pression sociale qui veut que chacun donne raison à celui qui lui semble puissant.
La réalisatrice madrilène réussit avec L’affaire Nevenka, filmé à la manière d’un thriller, à faire revivre cette période sombre de la vie d’une femme en souffrance. Ce qui frappe profondément, c’est la terrible solitude dans laquelle se retrouve Nevenka, solitude que la réalisatrice arrive à saisir parfaitement. À part sa famille, son compagnon de l’époque et son avocat, personne ne la soutient. Même lors du procès, on ressent ce manque d’empathie et de compréhension, notamment à travers l’attitude et les paroles du procureur qui semblent étrangement à charge… Des paroles qui ont été reprises à l’identique dans le film.

Sources : trois couleurs.com. Utopia gazette. quetalparis.com