Totone, 18 ans, passe le plus clair de son temps à boire des bières et écumer les bals du Jura avec sa bande de potes. Mais la réalité le rattrape : il doit s’occuper de sa petite sœur de 7 ans et trouver un moyen de gagner sa vie. Il se met alors en tête de fabriquer le meilleur comté de la région, celui avec lequel il remporterait la médaille d’or du concours agricole et 30 000 euros.
Il y a un esprit Mark Twain dans la manière de conduire cette chronique d’une certaine âpreté sociale dans un milieu agricole, quelque chose qui semble avoir été vidé de tout le sentimentalisme ou de la commisération qui polluent tant de fictions sur les milieux populaires.
Louise Courvoisier filme le monde rural comme on le voit rarement, gorgé d’une intarissable ardeur. Cette jeunesse qu’elle connaît bien, où l’on se soutient dans les coups durs, où l’on roule cheveux au vent sur les départementales, les jambes serrées sur une 50 cm3 pétaradante, où l’on règle les conflits à coups de poing dans la gueule et où l’on drague le samedi soir aux bals du village.
L’aventure fromagère de la bande à Totone brosse un portrait tout en nuances où le rire se mêle au suspense généré par les petits trafics de ces jeunes hommes en pleine construction.
Subtilement, le réel nourrit le comique sans jamais tourner en dérision ses personnages.
Et quelle merveilleuse idée que de faire du comté, ce doux fromage fruité, un Graal, une sorte de totem à la fois prosaïque et profondément philosophique. Dans Vingt Dieux, le processus de fabrication magnifiquement mis en image devient rituel païen.
Totone y apprend à reconnaître la qualité d’un bon lait et auprès d’une jeune agricultrice, Marie-Lise, il apprend l’amour physique – gracieuse métaphore par laquelle le film entremêle la découverte du désir au plaisir du travail artisanal, au toucher des produits.
Les acteurs non professionnels, recrutés lors de castings sauvages sont bluffants de vérité et d’intensité. Fabuleuse trouvaille que Clément Faveau qui joue Totone ; il est de tous les plans et si magnifiquement juste.

Sources : Libération 19/05/2024 – Trois Couleurs 17/05/2024 – France Info 18/05/2024

En présence de la réalisatrice Louise Courvoisier

Née en 1994, Louise Courvoisier a grandi à Cressia, dans la Petite Montagne du Jura, entourée de sa fratrie et de ses parents musiciens reconvertis dans l’agriculture.
Son désir de cinéma est né un peu par hasard. Un jour, éprouvant le besoin de partir de son petit village du Jura, elle a pris une option cinéma pour rentrer à l’internat. Petit à petit, elle y a pris goût sentant qu’elle avait des histoires à raconter et cela a débouché sur des études à La CinéFabrique à Lyon.
En 2019, son court métrage de fin d’étude, Mano a mano remportait à Cannes le prix de la Cinéfondation. Cette même année, elle réalisait un second court métrage, La Jarretière.
Tourné en 2023 dans le village de son enfance, Vingt dieux est son premier long métrage de fiction.