Le titre du film fait référence à ce que l’on appelait au début du XXème siècle le ”Asian Grand Tour”, itinéraire qui partait d’une grande ville asiatique de l’Empire britannique (en Inde ou en Birmanie), pour se terminer en Chine ou au Japon. Mais il renvoie aussi à la grande roue d’une foire à Rangoon en Birmanie, manège activé par la force et la souplesse d’un seul homme qui apparaît à plusieurs reprises dans le film.
À Rangoon en 1918, Edward, fonctionnaire de l’Empire britannique, s’enfuit le jour où il devait épouser sa fiancée Molly. Déterminée à se marier, Molly part à la recherche d’Edward en le suivant à la trace. Grand Tour est l’histoire d’un homme fuyant une femme qui cherche à le rattraper, soit l’évolution d’une distance à abolir pour aboutir à un mariage. Est-ce de la goujaterie pure et simple ou au contraire une pudeur d’un autre temps?
L’élégance désuète d’une époque où un homme ne peut rompre de visu ses fiançailles sans compromettre à jamais l’honneur féminin? Alors pour être un gentleman autant disparaître dans la nature… Grand Tour est un film gigogne dont le noyau scénaristique rappelle les grandes lignes de la comédie du remariage : l’histoire rocambolesque d’une fiancée abandonnée à l’autre bout du monde qui cherche à confronter son promis à sa lâcheté.
Edward fuit et tourne le dos, Molly s’obstine et regarde; la seconde partie du film centrée sur elle, est plus émouvante et intense, comme si la première avait été une sorte de repérage, de premier tour avant un second élan. Molly pousse la comédie jusqu’au burlesque et le romanesque jusqu’au mélodrame. Cette course poursuite amoureuse nous fait traverser l’Asie d’un siècle à l’autre avec humour, excentricité et sophistication. Avec, au fond de chaque plan, le cinéma dans ce qu’il a de plus primitif et essentiel : les frères Lumière, la fête foraine, le théâtre d’ombres, les mouvements des corps, de la matière, de la lumière.
Grand Tour est une oeuvre mélancolique et étonnante qui, avec son esthétique lumineuse et surannée, souligne la confusion qui anime l’humanité et le monde.

Sources : Les cahiers du cinema (novembre 2024) Positif (novembre 2024).