En Chine, au début des années 2000. Qiaoqiao et Bin vivent une histoire d’amour passionnée mais fragile. En suivant le destin amoureux de son héroïne de toujours, Zhao Thao, Jia Zhang-ke nous livre une épopée filmique inédite qui traverse tous ses films et plus de 20 ans d’histoire d’un pays en pleine mutation.
C’est durant la pandémie du Covid que Jia Zhang-ke décide, à partir d’images glanées en marge de ses tournages ou empruntées à son œuvre, de réveiller ces rushes endormis, de les agencer et de tisser entre eux un fil narratif tricoté sur vingt ans autour d’un homme qui disparaît et d’une femme qui le recherche, d’une rupture qui ne dit pas son nom et que les retrouvailles ne réparent pas. Qiaoqiao et Bin, personnages centraux de l’œuvre du cinéaste depuis Plaisirs inconnus (2002), sont incarnés par les fidèles Zhao Tao et Li Zhubin.
Observateur, à partir de la fin des années 1990, des spectaculaires transformations de la Chine à marche forcée, Jia Zhang-ke ne peut, ne veut parler que de ce changement de civilisation qui a bouleversé son quotidien et celui de ses concitoyens. Gentrification et paupérisation des quartiers, anonymat des individus dans la foule, foire au progrès technologique, tout y passe, la collusion entre les différents plans est d’une puissance formelle rare avec un sens de la poésie étonnant.
Lorsqu’il aborde une période inédite dans son œuvre de fiction, ces cinq dernières années, le réalisateur subjugue par la puissance critique et subtilement humoristique de ses images.
Les terribles saisons de crise sanitaire, l’émergence de TikTok, la technomania incontrôlée qui envahit la vie ordinaire (les robots parlent, plus que les humains) : tout cela s’enchevêtre magistralement avec le dernier chapitre de l’histoire d’amour, le plus déchirant.
Au cœur de cette fable qui nous dit que le monde va toujours plus vite que les hommes, un grand motif : la précarité du paysage et des sentiments, qui rencontre l’instabilité et l’inconstance, tant du capitalisme que du désir.
L’épilogue nocturne tourné en 2023 est bouleversant de mélancolie.

Sources : Le Monde et Télérama 08/01/2025 – Les Inrocks 06/01/2025