La finesse d’observation et d’écriture de Guillaume Senez avait fait mouche il y a trois ans avec Keeper. Le héros adolescent, qui se battait avec sa paternité précoce, laisse ici la place à un chef d’équipe dans un entrepôt de marchandises (type Amazon) qui doit du jour au lendemain réorganiser sa vie.
Le cinéaste belge cisèle le portrait d’un homme puissant dans sa combativité sociale, familiale, paternelle, qui transcende ses propres faiblesses et affronte les événements à bras-le-corps.
Ce cinéma social pourrait être rébarbatif ou ennuyeux mais chez Senez, il est aéré et mystérieux. Les gens ont certes des problèmes individuels ou professionnels car ce sont des travailleurs soumis à des cadences de plus en plus infernales qui rognent sur la gratuité, le don de soi, le loisir. Mais ils ont aussi des joies, des amours, des ruptures, des coups d’un soir, des gestes ou des conversations qui ne font pas avancer la sacro-sainte fiction ; ils ont surtout des secrets qui s’ouvrent délicatement et ne se referment jamais complètement.
Le réalisateur fait ainsi avancer son récit par touches pointillistes, qui se dessinent lors de longues séquences improvisées, et d’où se détachent, des zones blanches, des mystères non élucidés, comme dans la vraie vie… Rares sont les films qui mêlent aussi bien la chronique d’une famille ébranlée aux solidarités et aux violences de la vie au sein d’une entreprise.
Grâce à une construction subtile des caractères, des situations, grâce à sa direction d’acteurs, faite d’alchimie entre improvisation et dialogues écrits (Romain Duris et Laetitia Dosch sont lumineux), Senez, tout en délicatesse, touche au coeur et serre la gorge de ses spectateurs, Nos batailles devient
alors, avec un ton tout à la fois mélancolique et euphorisant, définitivement nôtre.

Sources : Télérama 13 mai 2018, bande-a-part.fr, Lesinrocks.com, senscritique.com