Ils sont jeunes, russes et au service des autres. Elle, médecin à l’hôpital, résiste sans se plaindre aux pressions. Lui, infirmier urgentiste au sein du Samu local, noie dans l’alcool et les débordements son dégoût pour une bureaucratie sclérosante. En couple depuis cinq ans, Katia et Oleg sont sur le point de se séparer. Katia ne supporte plus ce mari séduisant, gentil mais immature qui s’éloigne de plus en plus d’elle.
Avec Arythmie, Boris Khlebnikov ausculte les atermoiements du cœur : entre disputes et réconciliations conjugales, Katia et Oleg sont des amants terribles très attachants qui ne parviennent pourtant plus à vivre au même rythme. Mais le trouble du cœur annoncé dans le titre du film ne touche pas seulement le jeune couple. L’arythmie est plus générale puisqu’elle affecte aussi et surtout la société russe .
A travers la course en avant d’Oleg et Katia, le film dénonce l’absurdité administrative : obligation de rendement, nouvelles normes imposant des cadences infernales… Les conditions de travail de ceux dont le métier consiste justement à s’adapter à l’urgence ne cessent de se détériorer. Le réalisateur fait le constat d’une nouvelle bureaucratie qui évacue le facteur humain et étouffe toute initiative personnelle. Dans ce contexte, des héros, humanistes, essaient, en dépit des obstacles, de défendre leurs valeurs. Sillonnant la ville, Oleg se heurte à une société malade et sa rencontre avec des patients, souvent excentriques, dresse un portrait en creux de la Russie actuelle.
Chronique sociale et sentimentale, Arythmie exploite aussi la notion de rythme contenue dans son titre. Le film varie les tons, la mise en scène, le montage et laisse une impression à la fois de sobriété et d’intensité. Boris Khlebnikov observe, orchestre une certaine retenue tout en façonnant un matériau
incandescent. Il parvient ainsi à transmettre aussi bien la dérive que la beauté calme, l’urgence que la détresse, simplement en laissant se dérouler les faits, les affects, dans leur authenticité.

Sources : Libération 31 juillet 2018 – La croix 1er août 2018