Exilé du Chili depuis le coup d’état de Pinochet, Patricio Guzmán retourne régulièrement dans ce pays qui le hante pour y tourner de nombreux documentaires, comme La Bataille du Chili (1979) ou Le Cas Pinochet (2001). Avec La Cordillère des songes, il s’attaque cette fois à la Cordillère des Andes, barrière de montagnes qui « protège et isole » le Chili du reste du monde. Avec ce voyage au cœur des plus majestueuses montagnes de la planète, où se mêlent aventure humaine et géopolitique, Patricio Guzmán interroge son rapport à ce Chili fantôme qui lui file entre les doigts. Il nous fait découvrir ses habitants, son histoire, avec fierté. Il dresse avec brio une topologie de son pays, pris en étau entre les montagnes et le poids harassant du passé.
Alors que le film, narré en voix off par le réalisateur lui-même, démarre sur une évocation poétique et sentimentale de l’imposante Cordillère, il dévoile rapidement son message historique et politique relatif à la dictature de Pinochet. Par le biais d’interviews d’artistes, d’enfants d’exilés chiliens, ainsi que d’images d’archives tournées par un documentariste ami, le film revient sur les événements terribles de ces années noires marquées par la répression, la torture et la misère du peuple. Il dénonce aussi l’amnésie collective du peuple chilien à l’heure de considérer l’héritage de cette période.
« Cette gigantesque chaîne de montagnes, qui est au cœur de mon sujet, est pour moi devenue la métaphore de l’immuable, de ce qui nous reste et nous habite, quand on croit avoir tout perdu, explique-t-il. Plonger dans la Cordillère me fait plonger dans mes souvenirs. Scrutant ses sommets escarpés, m’enfonçant dans ses vallées profondes, j’entame un voyage introspectif qui, peut-être, me révèlera en partie les secrets de mon âme chilienne. »

Sources : site cinelangues. Télérama 30/10/19 . Première novembre 2019